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CABARET ETRANGE

by DOUBLE HAPAX - CD+DVD

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1.
Anthologie négative – ivresse des rimes – images de fauve – OVNI novice – vice de forme – formule brisée – y z’exagèrent – erratique syntaxe – taxi-brousse on the rocks – oxymore ou vif – vif-argent à la page – agent double – et double hapax – double hapax – axiome happening pneuma zeugma et rock’n’roll – desperado – ma langue est le désespéranto – en totalité – itération de mon idiome – homme fait langue – angle mort – âpres mots – désespéranto – en ce moment même je vous cause en désespéranto – antonymes – hymne aux mots – homophonies – oniriques mots – des mots d’ici – des mots de là-bas – des mots d’avant – des mots des livres – des mots de la rue – des mots de la fac – des mots ardus – des mots de mac – des mots de prof – des mots patraques – les mots de ton beauf et ceux de Chirac – et les mots qu’innovent et la novlangue la langue de bois – et des mots qui râpent et qui burinent – des mots qui ruinent – des mots qui riment ou qui dépriment – des mots pour rire ou pour mourir – qui font semblant ou bien vraiment – aimants – antithèses – ésotériques – Icare – artifice – issue de secours – courte fadaise – désespéranto – posté des errants – des zéros empestent – en respect des taux – Anto désespère – t’espères en des os – et sport des étangs – pet zeste et rando – et rospète et danse
2.
Quand on reçoit plus que sa part de mélancolie de cafard, et toujours un rire de retard – vivre désempare – quand pas inquiet on s’en étonne, quand c’est pas encore monotone, qu’on s’interroge d’une voix atone – vivre désarçonne – quand on déserte et on déchante, quand le surlendemain qui chante n’est plus que souvenance évanescente – vivre désenchante – quand on laisse venir le doute, qu’on n’exclut pas de faire fausse route, qu’on s’avoue n’y comprendre goutte – vivre déroute – quand ce qui est fait n’est plus à faire, quand on convole en mode pépère, qu’on voit la vie en nombre impair – vivre désespère – quand en vain on mime une volte-face et qu’on vire et virevolte, on a beau faire le désinvolte – vivre révolte – quand on a usé tous les charmes, jeté son cri dans le vacarme, qu’on a versé toutes les larmes – vivre désarme – quand on s’encrasse et on s’encroûte, quand on pédale dans le mazout, qu’on se vautre dans la banqueroute – vivre dégoûte – quand il n’y a plus d’autre choix que la chute et que l’on déchoit de tout en haut de tout son poids – vivre déçoit – quand on se dit qu’on a été eu, qu’on évalue tout son vécu à la repêche du temps perdu – vivre tue
3.
Bizarrement 01:56
C’est comme un fleuve qui a perdu sa source – comme un aveugle cherchant la Grande Ourse – comme la neige fondant sous un ciel gris – comme une gelée en plein mois de mai – comme un nectar qui s’évente et s’aigrit – comme un vieux clown qui ne veut plus se grimer – un migrateur au milieu de l’hiver – un aviateur crashé en pleine mer – et pourtant – bizarrement – ça rime avec toujours – le désamour
4.
Il voulait ne vivre que des instants volés – volés comme une escapade aventureuse – comme un détour sans autre idée – comme une aventure amoureuse – des instants volés comme quand la grève arrête la machine – quand la torpeur ou la révolte gagne l’usine – des instants paresseux comme une sieste crapuleuse – des instants parenthèses dans la prose journalière – des instants clandestins comme une trace de cocaïne – des instants attardés comme un migrateur en hiver – des instants chapardés comme les poires du père Boudu – des instants qui ne sont dus ni aux congés payés ni à Dieu ni aux lois – des instants brigandés – des instants maraudés – des instants charbonnés – des instants volés comme quand tombe la tête d’un roi ou quand un ange passe d’un sourire entendu – des instants vacanciers – des instants escamotés comme une feinte du chat botté – des instants carottés – des instants barbotés comme le premier bain de l’année – des instants grappillés comme les derniers raisins – des instants pillés – des instants torpillés – des instants écartés des ornières du droit chemin – des instants fauchés qui sentent bon comme les blés – des instants butinés – des instants lutinés – des instants lestes – des instants prestes – des instants délestés – des instants dévastés – des instants vastes – des instants détroussés comme on trousse une robe en été – des instants soustraits aux sommes du quotidien – des instants distraits comme quand on répond qu’on ne pense à rien – des instants volés comme quand la neige paralyse Paris – quand la coupure électrique coupe la chique à l’ordi et allume les bougies – des instants détachés en ombre chinoise sur la toile de fond – des instants de digression – des instants subtilisés comme un tour de prestidigitation – des instants kidnappés contre une rançon d’amour – des instants d’humour – des instants évadés comme une cavale loin des barreaux – des instants volatilisés en une brume de légèreté – des instants évaporés comme une ivresse en vaporetto – des instants déraillés comme un wagon trop romantique – des instants décalés en avance sur la musique – des instants enlevés telle une valse au rythme endiablé – des instants valsés des instants rythmés des instants endiablés – des instants chipés dans le fou rire d’une chipie – des instants dérobés comme une issue vers une autre vie – des instants ravis – des instants dévalisés avec des valises sous les yeux – des instants où l’on vit mieux – des instants chouravés dans une épave échouée – des instants chavirés – des instants naufragés – des instants déroutés comme une boussole qui a paumé le nord – des instants déboussolés éblouis déboulonnés – des instants cambriolés cambrés affriolés – des instants affolés – des instants filoutés flous filés et floutés – des instants pas floués – des instants renfloués comme un esquif en haute marée – des instants flibustés – des instants flibustiers – des instants hyperboles – des instants perdus qui révèlent des trésors – des instants qui rêvent haut et fort – des instants suspends ton vol – des instantanés – des instants damnés – des instants qui disent encore – des instants où l’on renaît – des instants T – il en est mort
5.
Je suis le silencieux, le dur, le renfermé, Ne comptez pas sur moi pour vous conter ma vie, Décrire mes espoirs, mes craintes, mes projets, Dire par le menu mes peurs et mes envies. – Mais déjà j’en dis trop – Pour faire un coming-out, un rapace nocturne Se montrerait bavard davantage que moi, Je ne peux me livrer comme on vide ses burnes, A étaler sa tripe il mettrait plus de joie. – Mais déjà j’en dis trop – Je suis dissimulé plus qu’un caméléon, Plus réservé qu’un Sioux, plus muet qu’une carpe, S’il faut parler de soi, je me tais sans façon, Plus secret qu’un espion, plus noué qu’une écharpe. – Mais déjà j’en dis trop – A toute confession je reste réticent, Plus aphasique encor que la bouche d’une urne, Rétif à la glasnost de tout épanchement, En un mot, mieux qu’en cent, je suis le taciturne. – Mais déjà j’en dis trop – Dans un silence obtus, retranché et muré, De toute éternité, j’ai été le taiseux, Reclus dans le mutisme, enfin, claquemuré, Et la porte fermée à toute idée d’aveu. – Mais déjà j’en dis trop – Et je n’ai pas choisi cette étanchéité Qui retient mes émois sous le toit de ma turne, Mais elle m’est échue le soir où je suis né Sous un astre muet, distant et froid : Saturne. – Mais déjà j’en dis trop – Sur chaque déballage où l’on se dit tout cru, Sur l’autopsie de soi patati patata, Sur toute exhibition obscène, au su au vu, Ma censure s’abat, pèse mon omerta. – Mais déjà j’en dis trop, Je retourne au bistro.
6.
C’est l’heure de l’attorney général : Accusé, levez le coude ! – Je ne parlerai qu’en présence de la vodka. Je jure de dire la vérité, etcetera. In vinasse vérito. Serment d’ivrogne devant la Haute Cour des Miracles. Gueule de bois langue de fer. Si je mens j’te paie un verre ! – L’accusé est accusé d’avoir le vin mauvais. Quand il finit sa bibine et se débine, il exige un crédit du patron, sinon le sang coule à gros débit de boisson. – A la barre du bar, Guy Gnôlet, un colonel trompe-la-mort se descend ses cinq pintes. Un bourru, un sérieux du Pentagone, habillé sur son 51. Faux-col tomate et pousse-rapière, il dépose cul sec : L’accusé ? Un galopin, un rouge, un communard ! – Puis vient le tour du Père Nô. Il rit jaune et rit car il veut pas qu’l’accusé soit seul à trinquer. Pas comme la Veuve Cliquot, une blonde. Elle veut me charger la gueuse, elle désire ma mort subite, elle rêve de ma mise en bière, et me voit déjà dans un cercueil, cette momie. – Puis vient mon malibu... mon malibi... mon alibi… elle s’appelle Bloody Mary, une Mauresque, brune, un peu absinthe. – Un perroquet lui a dit qu’il tenait du Père Magloire que Jean Lain avait tout vu jusqu’à la lie. C’est un coup des acolytes anonymes : le grand, Marnier, et le p’tit dernier pour la route. – C’est l’ardoise. Un vieillard maniaque me toise, toqué gris et cordon rouge. J’en prends pour un quinquina. Cinq ans de zinc ! Tu t’paies ma fiole ? T’es qui là ? T’es frappé pour m’empêcher de vivre comme à Cuba libre ! Je vais finir par m’enivrer. Sers-moi un verre à boire ! Un verre à boire, et la caravane passe... – Cadillac Blanche – Black Lady – Angel Face – Bloody Cesar – Red Velvet – Felix the Cat – Lady Stinger – Love Cocktail – Singapore Sling – Blue Lagoon – El Submarino – Deep South – Zimbabwe Memory – Orage Tropical – Jamaican Flip – Virgin Bloody Bull – Corpse Reviver n°3 – Le Sperme de Flamant Rose – Fuck The Pope
7.
Ma morsure 04:27
Tu croques la vie à pleines dents, tu as le sourire omnivore, l’appétit d’un soleil levant, un regard cru qui me dévore – tu croques la vie à pleines dents, tu m’as croqué évidemment, tu m’as mordu, envie d’amant, je suis mordu, par conséquent, je suis perdu – tu m’offres le gîte, plante carnivore, et je te croque, fruit défendu, de croquembouche en croc-en-jambe je t’ingurgite à la croque-au-ciel, tu me grignotes comme un croque-note, je te suçote, tu caramel, et je te gobe et tu m’enrobes, je te cajole, tu me rissoles, c’est croquignol, je te pimente, tu alimentes une fringale fort peu frugale – amie amante je te mélange, tu me démanges et je te mange et tu te venges, c’est croque-monsieur et croque-madame à forte flamme, à qui mieux mieux, tel un crocus je te débusque, tu me savoures, je te déguste avec amour, j’aime ton buste, tu aimes ma mine, je te fais rire, tu me fais frire, je veux répondre, tu me fais fondre, et je te lèche, tu me cuisines, et je t’allume et tu m’allèches et je te hume, tu me pourlèches, je me consume, et tu m’écumes, je te mitonne, tu me consommes, je déraisonne, tu m’assaisonnes – et je t’embroche, on est très proches des cuisses aux lèvres, je te relève, et tu m’épices, je te fais revenir tout doucement, ton entrejambes, mon entremets, on s’entremange en fins gourmets, tu es mon dessert, j’en suis gourmand, tu en reprends, je me ressers, sacré repas, morsures cuisantes, cuisson ardente, sauce douce-amère, j’en démords pas
8.
Ramassé sur moi-même replié refermé réuni je suis uni comme les cinq doigts de la main Je me déplie je me déploie je m’articule je compte jusqu’à cinq je claque des doigts et sur un rythme à moi j’articule je jacte dont acte – D’abord pour commencer mon petit doigt m’a dit : le monde tel qu’il est c’est des pleurs et des plaies des douleurs et des joies c’est pas le paradis, m’a dit mon petit doigt Je me le suis tenu pour dit et depuis je sais ça sur le bout des doigts – Annulaire je ne le suis guère A nu, l’air d’un homme marié ? non merci, très peu pour moi, ce n’est pas autour du doigt que se love ce sentiment-là Mais l’annulaire j’y consens par l’ongle que je lui ronge avec méthode avidement qui lui donne l’air patibulaire jusqu’à le couronner de sang – Bien davantage j’aime être le majeur Si d’aventure les mots venaient à me faire défaut ou s’il fallait lever le doigt pour avoir le droit c’est celui-là bien dressé droit et cambré roide et membré qui dira mieux que moi ce que j’ai sur le cœur en dernier recours et s’il n’en reste qu’un ce sera ce doigt-là car le majeur c’est le plus grand et le moins court de tous les doigts et le major celui qui a plus de 18 ans et toutes ses dents le doigt dans l’engrenage grégaire de l’âge celui qui exulte dans le tumulte du monde adulte et d’autres lieux bien plus douillets que je m’abstiens de détailler Moi je suis majeur et vacciné immunisé par les menteurs et mithridatisé au venin des couleuvres qu’on avale par l’oreille et vous l’aurez remarqué mon œuvre est à deux doigts de leur rendre la pareille – Car sans complexe je donne des indices j’indique j’indexe je vexe je mets à l’index Pas de faux semblants pas de cache-misère pas de cache-sexe c’est inutile Doigt dans le nez ou dans la prise ou dans la plaie je mets le doigt où ça fait mal j’appuie ça me plaît avec sadisme sensualité science et style avec doigté j’ai des doigts de fée douleur exquise je m’en lèche les doigts douce banquise ça ne vous déplaît pas tant que ça Vous en redemandez – Mais je dis Pouce je fais pas du stop je coupe la chique à mes chiquenaudes j’empêche mes pichenettes et je dis stop j’arrête tout net – Mais pour un coup de pouce ou un coup de main je serai là main dans la main dès aujourd’hui ou même demain uni comme les cinq doigts de la main pour un coup de gueule un coup de sang le goût de la lutte ou même pour rien au doigt à l’oeil ou à 100 % du bout des doigts ou par à-coups rubis sur l’ongle comme un coup de gong comme un coup de poing – Uni comme les cinq doigts de la main je suis un poing Poing chaud ou noir mais poing gagnant poing de repère ou de ralliement car dans chaque poing il y a cinq doigts je suis le poing d’exclamation qui ponctue comme on frappe sur la table ou comme on tue poing de Gênes qui fait pas dans la dentelle poing à l’envers poing à l’endroit poing de gauchère ou direct du droit crochet d’expert ou maladroit poing de détail ou poing crucial poing de suture ou de non-retour je suis un poing c’est tout un uppercut et ainsi je signe à poing nommé mon chant du cygne poing à la ligne – Et même deux poings car j’sais rien faire de mes dix doigts sinon deux poings sans suspension fermés serrés dressés deux poings fermez les guillemets
9.
Deux chérubins. L’innocence même. A huit ans, ça ne sait pas. Ça n’a pas cette imagination-là. D’ailleurs, dans un supermarché, il y a assez d’appâts. Des vices pour leur âge. Des friandises. Des jouets sonores et attrayants. Des balais-brosses. Des tue-mouches. Des perceuses électriques. Des tenailles. Des hachoirs de cuisine. De la mort aux rats. Des friandises aussi. Donc ça va un moment. On patiente, on tue le temps. Quelque part, le caddie familial s’emplit à en crever. Et puis dans le supermarché y a des gens, plein de gens. Dont des enfants, pas mal d’enfants, et même des tout jeunes. Un surtout. De quoi distraire de la contemplation ennuyée et machinale des friandises et des tenailles. Sympathiser. On prend le petit camarade par sa menotte ingénue et veloutée, on parcourt les rayons, c’est si amusant un petit frère d’occasion. Mais dans un supermarché, on a beau dire, on n’est pas chez soi. Il faut lui montrer le terrain vague d’aventures et la voie ferrée désaffectée, au frérot. A trois ans, ça ne sait rien encore ; faut voir du pays, ça forme la jeunesse. Ici on fait la guerre et on tue des méchants. Hier seulement, cinq tribus d’Indiens cannibales et un gang de malfaiteurs passés au fil de l’épée de bois. C’est qu’à huit ans on a du cran, et soif de vivre, d’être utile, et courageux. Il est mignon le petit frère. Mieux que le chat boiteux. Et plus docile que les moineaux, qui filent dès que possible, pas drôles. Le petit coopère. Il participe à fond, il joue pas pour de semblant. Il ne déçoit pas. Il crie comme personne. Plus fort qu’un Indien de la pire tribu, et c’est dire. Les deux chérubins jubilent. Ça, c’est du jeu. Prenant. Enivrant. Ils s’en pisseraient dessus. Le chiard, lui, ça y est, a pissé sous lui. Il est mouillé, frais, tendre, mou quasiment. Il braille moins déjà. Il dormirait presque. Derrière la palissade complice et vermoulue, un chiffon de chairs malmenées, de sang indiscret. On quitte le joujou, même pas besoin de ranger. On a bien joué. Ri. Gazouillé. Fouaillé. Une hideur de sourire ébrèche leurs visages : le trou de deux dents de lait de devant, la semaine dernière la petite souris est passée. Pour le bambin aussi, faudra bien qu’elle se déplace, la petite souris, pour toute la rangée. Mais le soir tombe, et le paternel n’est pas tendre. On magne son cul, main dans la main.
10.
Canicule 09:03
Je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’embauche, je lui ai dit « attends ça se calcule je n’ai rien dans les poches » – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’engraisse, je lui ai dit « t’auras des tubercules et des bonbons Ricqlès » – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’enivre, jui ai dit « attends j’relis mon fascicule, Manuel du savoir-vivre » – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’enfume avec ma ganja dont les molécules font de toi un légume – elle m’avait dit ça d’un ton chaleureux, un regard brûlant et un rire sec, quand elle m’a dit ça d’un ton chaleureux, ça m’a cloué le bec – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’encense, je lui ai dit « t’es belle » en majuscules, « tu m’accordes une danse ? » – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’embrasse, je lui ai dit « ne sois pas ridicule », moi ça passe ou ça casse – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’endorme par une sérénade au crépuscule, j’ai dit « chuis pas en forme » – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’enfièvre, j’ai pensé « ça barde pour mon matricule », et j’ai serré les lèvres – elle m’avait dit ça d’un accent fiévreux, ses lèvres étaient sèches, son front était moite, quand elle m’a dit ça d’un accent fiévreux, ma bouche est restée coite – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’enlève, jui ai dit « si on prend ton véhicule, mon chauffeur est en grève » – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’enlace, jui ai dit « ‘tention chuis fort comme Hercule, ‘ccroche-toi à tes godasses » – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’entende, jui ai dit « OK alors articule ou j’te secoue la viande » – je l’ai connue en pleine canicule, elle m’a dit qu’elle voulait que je l’engrosse, que du contenu de mes testicules elle comptait faire un gosse – elle m’avait dit ça d’un air amoureux, d’un ton de défi et avec émoi, quand elle m’a dit ça d’un air amoureux, je suis resté sans voix
11.
Roman fleuve 09:56
Je suis un fleuve, je suis un fleuve de 4354 kilomètres de long, je suis un fleuve qui voyage et qui voit du pays, je suis un fleuve écumé par l'esturgeon qui porte le nom de kalouga, je suis un fleuve qui divise les pays, je suis un fleuve frontière entre deux empires, je suis un fleuve qui se jette dans le détroit de Tartarie, je suis un fleuve qui charrie vers l'est des céréales et des machines, vers l'ouest du pétrole et du bois, je suis un fleuve de Chine, je suis un fleuve de Sibérie, je suis un fleuve qui mouille les villes de Komsomolsk et Blagovechtchensk, je suis un fleuve moitié russe moitié chinois, je suis le fleuve du dragon noir tel qu’on me nomme en mandarin, je suis un fleuve dont les rives sont peuplées de Mongols, de Bouriates et de Toungouzes, je suis un fleuve de Mandchourie, je suis un fleuve qui emporte et inonde, je suis un fleuve de fougue et de démesure, je suis un fleuve dont le débit moyen est de 11 000 mètres cubes par seconde à l'embouchure, et même 20 813 mètres cubes au mois de septembre, je suis un fleuve – je suis ce fleuve et toutefois je porte un nom risible ridicule, on m’appelle Amour avec un A majuscule Amour et mes eaux sont boueuses, je suis le fleuve Amour, je sais c’est peu crédible, c’est mon épreuve imprescriptible, la Zeïa et l’Oussouri, mes affluents, mes subalternes, en rient et m’abreuvent de balivernes, ces flaques ces caniveaux ces citernes sans que ça m’émeuve excessivement, parole de fleuve – je suis le fleuve Amour et je ne suis pas un amour de fleuve, la preuve : mes méandres se convulsent monstrueusement comme une scolopendre, comme une salamandre serpentent et vont sournoisement se répandre – je suis l’Amour et je me nourris du chaud et du froid et je grossis toujours à la fonte des neiges et aux moussons d’été, mes crues sont quelquefois terribles et redoutées, j’aime à changer souvent de lit – je suis l’Amour et je coule de marais froids en steppes rigoureuses où l’hiver me prend par les glaces et on me passe à pied et on me marche dessus, comme une veuve hiverneuse je suis frigide et traversé – je suis l’Amour, quand ce n’est pas la banquise, un beau jour c’est la débâcle, tout fout le camp, y a pas de miracle et je lâche mes glaçons déballés comme des caillots de sang, des fragments de passion, des grumeaux de sentiments et des serments et des oracles en allés qui dérivent vers l’océan – je suis l’Amour et je me noie dans l’eau salée

about

Enregistré live les 7 et 8 mars 2014 par Zimon au Biboolbar - France
Mixé, masterisé par Zimon.

credits

released January 1, 2015

Textes, Voix : Jikabo
Musique, Guitare, Voix : Kestekop
sur (7) , Ukulélé par Zimon

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BRUNOÏ ZARN France

Brunoï Zarn plays guitar and more in BOUCAN, DOUBLE HAPAX, KESTEKOP and many more..

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