1. |
Le Décréant
06:23
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oyez oyez le cantique
oyez oyez la grande messe
le credo politique
du fond des urnes à la tribune
et de l’ONU à la commune
le psaume de la presse
sur six colonnes à la une
oyez oyez braves gens
oyez oyez vous dit-on
oyez fidèles croyants
croyez
croissez
croissez et multipliez
fidèles croyants
fidèles croissants
croissants fidèles
croisés dociles de la fortune
croissants fertiles
croissants de lune et lune de miel
car on vous offre le ciel
et on vous promet la lune
la lune
hallucinant
alunissez
hallucinez
comme au ciné
on va vous montrer la lune en plein midi
la lune comme un point sur le i
de nos bénéfices
moi je suis distrait et dans la lune
j’entends pas la berceuse
j’écoute pas la musique
moi j’ai mes lunes
mes heures creuses
je suis lunatique
je suis pervers
c’est mon travers
j’entends de travers
oyez oyez braves gens
oyez oyez nous dit-on
oyez oyez fidèles couillons
croyez
croassez
croassez et moult vous pliez
et moult vous priez
fidèles moutons
croassant comme des corbeaux
et coassant tels des crapauds
coassez et démultipliez
dégazez dégraissez délocalisez
croissants stériles et lune de fiel
et sans rancune et infortunes et maléfices
oyez oyez
croyez croissez
croassez coassez
pendant qu’on fait un trou dans la lune
croa croa
coâ coâ
quoi quoi ?
quoi qu’il en soit
moi je mécrois
moi je décrois
moi je m’y crois
en vérité je vous le dis
je suis le mécréant
et je suis le décroissant
je suis le mécréant
et je suis le décroissant
l’incrédule de vos bidules
en vérité je vous le slame
et je vis que vous croassiez
et je vis que vous coassiez
et je dis que c’est assez
cétacé
et je me marre comme une baleine luciférienne
car je suis luciférien
ça ne fait rien
je prêche mon catéchisme
je suis dissident
j’envoie mon schisme dans les dents
je suis schismatique
c’est automatique
je m’adresse à mes ouailles
et avec ma gouaille
je fous le oaï
je suis le mécroissant
je suis le décréant
je suis le mécroissant
je suis le décréant
vos croissances vos créances vos croyances
vos croix vos signes de croix
vos croisades vos croisettes
vos croisières vos paillettes
j’y ai jamais cru
mauvaise recrue
je suis recru de lassitude
par vos vieilles lunes
et vos croissants au beurre dans les épinards de Popeye
mais qui c’est qui paye
qui c’est qui paye
pour que vous ayez le beurre
l’argent du beurre et les faveurs de la crémière
et lui tapiez dans la lune
la lune comme mon poing sur vos pifs
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2. |
Soledad
07:27
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je l'avais rencontrée
dans les carnets de Libé
où un beau jour j'ai lu
" je suis la jeune femme seule
de la rue des glaïeuls,
samedi après dîner
nos yeux comme un reflet
nos coeurs comme échangés,
et moi j'y perçois un présage
du destin, à l'instinct
ô vous jeune homme seul
sachez qu'on est fait l'un
pour l'autre "et point fin du message
Soledad
je te dédie cette aubade
Soledad
je te maudis j’en suis malade
Soledad
j'y passe rue des glaïeuls
pour aller n'importe où
sans jamais voir flotter
de bouteille à la mer
dans le regard d'une femme,
le coup d'oeil je n'l'ai guère
l'habitude c'est un drame
on regarde plus trop où
nous portent nos pieds et
on s'vautre
cette âme est ma moitié
me dis-je c'est pitié
si elle m'a vu pour rien
alors qu'on est faits l'un
pour l'autre
Soledad
je te dédie cette aubade
Soledad
je te maudis j’en suis malade
Soledad
quoique c'est écrit félin
comme pour dire une panthère
un tigre ou un guépard,
ça j'aurais dû relever
me dire bigre ou me taire
mais je l'ai pas relevé
ou bien alors trop tard
et je l'ai appelée
en disant qu'j'l'avais vue
juré
que c'était comme prévu
on dirait qu'elle m'a cru
on s'est finalement vus
pour d'bon dans un salon
de thé
Soledad
je te dédie cette aubade
Soledad
je te maudis j’en suis malade
Soledad
c'est comme si l'on s'était
depuis toujours hantés
tout d'suite on n'a fait qu'un
elle et moi tout comme un
seul homme solidaires
unis jumeaux deux frères
siamois soudés méchants,
ma mie à part entière
et à part entièrement,
ça dure
l'oeil dans l'oeil dent pour dent
et j'peux pas dire l'contraire
mon lot n'est pas commun
c'est une histoire qui a fière
allure
Soledad
je te dédie cette aubade
Soledad
je te maudis j’en suis malade
Soledad
j'achève mon soliloque
elle m'a dit ma pareille
la tête sur mes épaules
détail de protocole
que son p'tit nom c'est Soledad
qu'c'est espagnol
ça m'évoque tout de go
du solide un soleil
et puis sole mio,
hébétude
moi qui pensais plutôt
qu'elle s'appellerait Gertrude
j'n'ai su qu’après étude
qu'ça disait mot à mot
solitude
texto
solitude
en V.O.
solitude
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3. |
Quasimoda
04:05
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vous la voyez passer des fois
rouler sa bosse sur les pavés
qui font des bosses sous les pieds
et des réminiscences chez les auteurs distingués
vous la voyez des fois
remorquer sa proéminence
comme une croix de pénitence
comme si elle avait quelque chose à payer
à chacun sa croix
mais y a qu’à elle qu’échoit ce morceau de choix
c’est pas Jésus
c’est Quasimoda
Polichinelle de la ruelle et de la rue
elle est connue
l’est pas pansue
l’est peu joufflue
l’est guère fessue
n’a rien de cossu
mais l’est bossue sous son pardessus
c’est sans issue
c’est la bossue
c’est bien connu
elle est infirme
ça je l’affirme
elle est informe
elle est infime et rarissime
je vous le confirme
elle est hors norme et pas conforme
et difficile à vous décrire
elle est difforme
je peux pas mieux dire
n’est pas pulpeuse
elle est bulbeuse
elle est gibbeuse
elle est hideuse
comme un gibbon
et déhanchée comme un gibet
et disgracieuse et disgraciée
pourtant rieuse joueuse et enjouée
c’est sa beauté
et quand Quasimoda se mire dans une glace
une psyché
elle reste pas de glace
pas détachée
non, elle se mire et elle s’admire et elle se marre
se déballonne
c’est naturel et monotone
c’est sa rengaine
car elle se marre comme une bossue
et c’est logique
comme une baleine
zoologique
baleine à bosse
c’est fatidique
une jubarte
ça c’est jobard
un mégaptère
mégasuper !
mégasuper
car elle se voit comme dans le miroir déformant
du cirque où l’amenaient ses parents
plutôt marrant
et vous-mêmes qui la voyez passer
vous riez comme des bossus sous cape
comme la bossue qui se drape dans son pardessus
reine de la cour des miracles
Quasimoda qui pourrait accomplir l’oracle
faire que la langue dérape
et que comme dans une fable d’Esope
bossu antique et désopilant
les rieurs simili-bossus le deviennent en un instant
et hop !
bossus de la tête aux pieds
ils en feront une tête
mais ça leur fera les pieds
de se retrouver à sa place
et sous sa bosse
comme s’ils avaient perdu aux chaises musicales
avec leur appendice dorsal
certains ont les chevilles qui enflent ou la grosse tête
elle, sa bosse a comme un trop plein
elle va percer l’abcès
ce sera obscène et purulent et virulent
et plein d’excès
elle dira des quasi mots d’amours
mais faudra pas s’étonner
si ça fait des bleus
et laisse des bosses sur le nez
et des bossus sur le pavé
faudra pas s’étonner
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4. |
Un Coupable Idéal
05:14
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Dans un accès de démence
j’ai avalé mon chapeau
et depuis la proéminence de mon ventre
a la forme d’un béret basque
et mon cul la forme d’un casque
Mon front a la hauteur d’un haut-de-forme
que la pluie détrempe
que les averses déforment
Je suis en feutre
je suis tout flasque
et j’ai l’air neutre
derrière mon masque
Moi qui me croyais en forme
J’ai pris un coup de vieux sur la tête
sous mon gibus je suis un minus
plus absurde qu’un rébus
plus ringard qu’une devinette Carambar
J’ai une tête à m’asseoir
sur le profil dudit borsalino
plus sale et plat que le lino
plus démonté qu’un meccano
plus piétiné qu’un trempolino
Mon couvre-chef a la face d’AZF
un jour d’explosion
Quand on a une tronche de chapeau melon
et la tête comme une pastèque
les nuits sont seules
les jours sont longs
comme une partie d’échecs
je porte un tricorne sélectif
et j’ai des cornes à la place des tifs
je suis fort mal coiffé
j’ai des épis de maïs
sous mon képi de naïf
Moi qui me voyais en sombre héros
je suis plus zéro qu’un sombrero
oublié à la patère d’un bar délétère
entre El Paso et Tijuana
au milieu des nuages de marijuana
Moi qui me rêvais en canotier à Paname
me retrouve égoutier à Panama
où je récure le canal et les fonds de cale
(c’est pas banal)
le crâne enserré dans un panama
trop étroit pour mes rêves
trop usé pour mon karma
Alors je travaille du chapeau
mon béret basque me crée des renvois
dans mon haleine y a une chapka
qu’a des relents de vodka
j’ôte mon chapeau
remets mon chapeau
rôte mon chapeau
et j’éructe en postillonnant des miettes de feutre
J’ai le crâne à découvert
le bide en forme de béret
je vais gerber dans le bidet
j’ai le profil du suspect
pas de pot
à coup sûr c’est programmé
on va me faire porter le chapeau
pas de pot
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5. |
Krach
04:21
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L’économie patine dérape et se détraque
le grand cacapital bégaye et fait des couacs
Fauché comme les blés, geignard, paranoïaque
le modeste épargnant prend ses cliques et ses claques
accusant le système, se plaignant de l’arnaque
ah qu’l’avenir est sombre et les comptes sont opaques
et le petit porteur débarqué sur le tarmac
dans un avion de luxe, pour faire son come-back
repart en triporteur cherche du boulot au black
mendie place de la Bourse ou joue au Tac O Tac
Acquéreurs managers traders et autres macaques
accablés se répandent réduits à l’état de flaques
vendent à Cash Converters leurs smokings et leurs fracs
achètent à Emmaüs un jean un anorak
Actionnaires, consultants en deviennent cardiaques
Jean-Marc Sylvestre est tout patraque
François Pinault est insomniaque
Jean-Pierre Gaillard fait une attaque
A compter d’aujourd’hui
les chroniques boursières sont données en play-back
et sonnent encore plus faux qu’un solo de la Star Ac’
Accident de parcours impasse ou cul-de-sac ?
après le boom les experts parlent de krach
de récession d’inflation de stagnation de stagflation
et tout leur bric-à-brac
La croissance flanche, fléchit, décline, et puis tout craque
Moi j’réfléchis, j’fulmine car je suis démoniaque
moi qui ne suis pas un crack
en éco ni en CAC 40
(40 comme les voleurs d’Ali Babac)
accordez-moi le temps que j’argumente
un peu d’écoute à mon flash-back :
Quand une bande de macs
accapare
accumule
des millions des briques et des plaques
s’acoquine et s’agglutine
comme des corbacs sur la barbaque,
ça renâcle
pire que l’ammoniac
c’est un cloaque qui accouche
d’une volée de mouches à merde
Quand une bande de mous
accepte ces accointances
acquiesce et accrédite
l’idée que leur crédit crée dix fois plus de bonheur
y a des claques qui se perdent
ça m’estomaque et ça m’écoeure
Quoique...
ça me file la gnaque
j’accuse du tac au tac
acariâtre je ricane
bien vénèr
a cappella j’accélère
tout à trac mon débit
tout du même acabit
j’ai pas le trac
je vaque à mon pamphlet
en vrac foutraque et dionysiaque
la catastrophe économique
c’est mon aphrodisiaque
acupuncteur façon cosaque
activiste et maniaque
je tranche dans le vif
et c’est orgiaque
comme une chope de cognac
la paella tchécoslovaque
l’amour à trois dans un hamac
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6. |
La Pyramide des Âges
04:18
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sperme
et
œuf
mou
t’es
tout
neuf
presque
germe
t’es trois
fois rien
minime
clownesque
mais mine
de rien
tu crois
ça vient
c’est toi
t’évolues
tu t’étoffes
arrondies
les étoffes
sont tendues
sans un pli
sur le ventre
qui te sert
de doux antre
où tu te terres
et tu te loves
et tu commences
à te mouvoir
my baby love
à m’être cher
ce qui a tendance
quand j’y repense
à m’émouvoir
là tu te blottis
au fond te replies
où tu accomplis
ta maturation
et tu apprécies
cette situation
tiède et édénique
son isolation
son confort thermique
au creux de ta caverne
tu es seul maître à bord
tu roupilles puis tu dors
tu lézardes et hibernes
cocooning utérin
camping sans belle étoile
squat autarcique interne
sleeping en chute de reins
au fond de ta citerne
mais au fur et à mesure
on le voit sur la télé
sous l’œuvre de la nature
tu prends une forme humaine
avec membres et rondeurs
y a des similarités
silhouette familière
bref dans ton apesanteur
tu as une allure terrienne
et dans cette flaque sublime
tu te fais ta gym aquatique
comme en un lac au creux des cimes
tu entends le chant des baleines
un silence philharmonique
les tuyauteries organiques
le Lac des Cygnes pour amnésiques
comme un surplomb métaphysique
et déjà l’appel des sirènes
car tu as beau être waterproof
tu t’agites bouges gigotes et t’ébroues
tu respires conspires et aspires
à aspirer l’air de février
goulûment sans ciller sans esbroufe
sans la peur d’y jaillir tout mouillé
sans même avoir le temps de dire ouf
après ces neuf mois à conspirer
pour que l’horizon s’ouvre plus beau
le monde t’attend pour être plus beau
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7. |
L'Equilibriste
08:29
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Je m’appelle J.B.
chuis cordonnier
Vous savez la sentence
Le cordonnier est le plus mal chaussé
et en effet je vais nu-pieds
mes dents sont déchaussées
j’ai la chaude-pisse et des abcès
C’est mon exorde
direct cordial et sans outrance
Je vis pas en France
je vis vers Cordou
oun trou perdou
dans la sierra
la cordillère
La corde, hier...
Je tiens le fil
je vais pas le lâcher
Il faut que j’aborde en confidence
un sujet sombre et pas commode
Je vous l’accorde, je m’en balance
au bout d’une corde je me balance
Dès ma naissance
suspendant ma transhumance
je me suis pris la tête dans le col de l’utérus
les pieds dans le placenta
et le cou dans le cordon ombilical
Désespérance...
La vie c’était pas dans mes cordes
Ne blâmez pas mon oraison
ses discordances
Mon éloquence est entravée non sans raison
Peux pas parler
la gorge nouée
Ambiance...
Au bout d’une corde je me balance
je vous l’accorde, je m’en balance
J’ai toujours vécu à bout de souffle
usé mes pneus jusqu’à la jante
mes espadrilles jusqu’à la corde
et ma raison jusqu’à ce que je déjante
que ma vie prenne son dernier virage à la corde
Un tête-à-queue m’a envoyé dans les cordes
Les cordes, hier...
Comme il pleuvait des cordes
j’en ai ramassé une
j’en ai ramassé dix
dix cordes
ça peut servir pour ligoter la discorde
qui me désaccorde et me déchire
tout le monde s’accorde à le dire
Je vous l’accorde, je m’en balance
au bout d’une corde je me balance
J’ai toujours plus d'une corde à mon arc
ça fera une cravate de chanvre
pour mon costard de malchance
me dis-je d’une voix monocorde
quel suspanse
Et je me suis pendu
J’ai mis tout mon poids dans la balance
J’ai fait du saut à la corde
comme d’autres font du saut à l’élastique
Quitte à vous surprendre je vous avouerai
qu’on m’a toujours dit que je ne valais pas la corde pour me pendre
mais là c’est pas pareil
je l’ai trouvée
c’est comme un prêt
je la rends après
vous saisissez la nuance ?
pis ça porte chance
une corde de pendu ça porte chance
Au bout d’une corde je me balance
je vous l’accorde, je m’en balance
J’ai toujours été sur la corde raide
maintenant elle est raidement verticale
je funambule de haut en bas
et je danse en cadence
comme une marionnette en transe
qui ne tient plus qu’à un fil
Quelle déchéance
Ce nœud coulant serre mon cou lentement
c’est le premier maillon d’une courte échelle de corde
par laquelle je me fais la malle de cette sale vie
premier de cordée
pour l’ascension du mont de la mort par la face nord
Je vous l’accorde, je m’en balance
au bout d’une corde je me balance
Mon corps au bout de la corde la bande
comme celle d'un arc
et au bout de mon corps
bande mon braquemart
turgescence arrosant de ma semence
ma mandragore
ce texte gore
incontinence d’agonisant qui déblatère incontinent
sa conférence avec vigueur et truculence
.
Au bout d’une corde je me balance
je vous l’accorde, je m’en balance
Si vos pas croisent mon gibet
vous verrez qu’un pendu se balance
comme le balancier d’une pendule
et vous direz
C’est J.B. ce gibier de potence
et vous adresserez vos condoléances éculées
aux espadrilles éculées qui se balanceront à votre nez
et dernière jouissance
vous bailleront à la gueule avec insolence
Mais avouez
si je mets à votre hauteur
sans décence
ma face violacée mon sourire crispé ma tumescence
vous n’apprécierez guère
la condescendance du con
descendant de son perchoir de chanvre
ni son outrecuidance
Je vous l’accorde, je m’en balance
au bout d’une corde je me balance
Bientôt J.B. descendra de son gibet
et reprendra son errance
répandra la pestilence verbale
de sa grandiloquence
sans indulgence ni miséricorde
L’échéance n’attend que la fin de ces stances
Telle sera ma vengeance contre votre engeance
vos romances vos remontrances vos repentances
vos médisances vos gouvernances tous vos mots rances
Ma véhémence
coulera de ma bouche congestionnée
comme les vers blancs de la béance de mon nez
et viendra forer jusqu’à la démence
vos existences mornes et mort-nées
Je vous l’accorde, je m’en balance
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8. |
Moi, J'aime pas
04:06
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j’aime pas l’amour
il me le rend bien
il rime avec toujours
et moi je rime à rien
quand je vois une paire de jeunes énamourés
leurs bouches collées leurs doigts noués
j’ai envie de les envoyer au septième fiel
de les boucler quinze jours dans la même chambre
sans voir personne ni même le ciel
pour étudier après la gueule de leur amour
s’il a toujours ce parfum d’ambre
ces pétales de roses alentour
ce goût d’extase et de gingembre
quand dans ma caisse je roule derrière
une bagnole de just married
je trouve mon habitacle amer
inhabitable désert aride
je rétrograde et j’accélère
je les dépasse pour plus les voir
la vie en rose de ces pink floyd
moi ça me fait broyer du noir
lorsque je vois un couple de vieillards amoureux
qui se partage un cornet de glace
je me sens terriblement jeune
j’me dis que dans la vie je n’suis pas à ma place
je reste affamé et je jeûne
pendant que mon ice-cream me dégouline sur les doigts
et salit même mes godasses
des fois
quand à la radio pas de chance
je tombe sur une mélodie sirupeuse
j’interromps l’hymne à l’indolence
aux sentiments aux langueurs amoureuses
aux fusions des âmes au plaisir des corps
je défoule ma violence
sur le poste à la disqueuse
et j’mets un disque de hard-core
moi qui suis seul c’est ma berceuse
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9. |
Canicule
06:00
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je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’embauche
je lui ai dit « attends ça se calcule
je n’ai rien dans les poches »
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’engraisse
je lui ai dit « t’auras des tubercules
et des bonbons Ricqlès »
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’enivre
jui ai dit « attends j’relis mon fascicule
"Manuel du savoir-vivre" »
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’enfume
avec ma ganja dont les molécules
font de toi un légume
elle m’avait dit ça d’un ton chaleureux
un regard brûlant et un rire sec
quand elle m’a dit ça d’un ton chaleureux
ça m’a cloué le bec
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’encense
je lui ai dit « t’es belle » en majuscules
« tu m’accordes une danse ? »
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’embrasse
je lui ai dit « ne sois pas ridicule »
moi ça passe ou ça casse
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’endorme
par une sérénade au crépuscule
j’ai dit « chuis pas en forme »
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’enfièvre
j’ai pensé « ça barde pour mon matricule »
et j’ai serré les lèvres
elle m’avait dit ça d’un accent fiévreux
ses lèvres étaient sèches, son front était moite
quand elle m’a dit ça d’un accent fiévreux
ma bouche est restée coite
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’enlève
jui ai dit « si on prend ton véhicule... :
mon chauffeur est en grève »
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’enlace
jui ai dit « ‘tention chuis fort comme Hercule
‘ccroche-toi à tes godasses »
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’entende
jui ai dit « OK alors articule
ou j’te secoue la viande »
je l’ai connue en pleine canicule
elle m’a dit qu’elle voulait que je l’engrosse
que du contenu de mes testicules
elle comptait faire un gosse
elle m’avait dit ça d’un air amoureux
d’un ton de défi et avec émoi
quand elle m’a dit ça d’un air amoureux
je suis resté sans voix
|
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10. |
Tool Blues
02:33
|
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on va m’dire encore que j’épouse
des thèses extrêmes mais derechef
j’ai la rage le spleen et le blues
et à cracher quelques griefs
à la face de ma ville Toulouse
qu’est pas trop ma ville mais le fief
des industries qu’on nous jalouse
Airbus Matra et AZF
qui fabriquent des trucs et du flouze
diverses armes et des bénefs
et des profits chimiques - partouze
de l’alchimie des chiffres - en bref
c’est une rente douze mois sur douze
la chimie fait du chiffre bézef
ça boume parfois jamais ça loose
y a qu’à voir les sourires des chefs
mais moi j’ai le blues de Toulouse
moi je vois pas la ville en rose
mais moi j’ai le blues de Toulouse
et demain c’est moi qui explose
|
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11. |
Pauvre Congre
04:38
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comme une anguille
je frétille
je godille
je scintille
à la longue
pacotille
je me retrouve
comme un congre
il suit sa vie comme une anguille
tellement fuyant qu’il passerait
à travers le chas d’une aiguille
sans avoir besoin de rentrer
la tête au creux des épaules
où elle n’est pas si bien fixée
n’allez pas croire que ce soit drôle
d’être fluide et démembré
il glisse il louvoie et il fraie
dans des flots troubles et des eaux claires
il file au hasard en apnée
plutôt liquide que terre-à-terre
et il échappe et il défraie
la chronique salée de la mer
des sarcasmes car il en est
cet émigré originaire
on peut sentir en le voyant
quand on le voit c’est pas toujours
à son regard un peu mouillant
à sa silhouette sans contours
qu’il doit y avoir anguille sous roche
mais on ne trouve plus qu’un caillou
quand les pieds dans l’eau on s’approche
pris dans la vase et dans la boue
dans son élément il s’efface
entre les mailles qu’on lui tresse
il s’insinue en passe-passe
puis sinue sans laisser d’adresse
au pêcheur piteux en surface
qui n’a pour toute bouillabaisse
qu’une aigre soupe à la grimace
perplexe bredouille terrestre
dans sa fugace migration
il remonte vers son eau douce
en elle il est comme un poisson
dans l’eau sans hameçon ni secousse
au fil de son inclination
suivant ses pentes douces au gré
de ses crues et de ses saisons
elle qui a fait tant de noyés
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12. |
Au Pied de l'Echafaud
09:11
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|||
me v’là au pied du mur
sans un murmure
mais faudrait pas que ça dure
je serre la mâchoire
je broie du noir
je scelle mes lèvres
j’ai de la fièvre
je tiens ma langue
soyons pas mièvres
pas de derniers mots
pas de harangue
ni lamento ni testament
une bouche fermée
n’accouche pas de sentiments
et point n’y entrent de mouches
pas même celles qui dans un instant
viendront goûter au sang
qui dégoutte
les mouches qui butinent
le suc de la guillotine
qui s’agglutinent
sur la sève du bois de justice
et qui épongent les bavures du supplice
goutte à goutte
j’ai la chair de poule
la peau de ma nuque
est rasée de près
pour mon mariage
avec la veuve létale
drapée de rouge
comme l’étal d’un boucher
et je grelotte et je frissonne
je me renferme
je me renfrogne
et je m’isole sous ma camisole
mais je perds pas la tête
pas encore
je garde la tête froide
toutefois moins froide
que dans une heure
quand elle aura plus refroidi
quand je n’aurai plus de chef
à me mettre sous le couvre-chef
plus de chef
moi qui n’en ai jamais eu
pour faire bref
quand je serai raccourci
guillotiné décapité étêté
écimé décimé acéphale
car faut ce qui faut
je dois payer
ma dette à la société
payer de ma tête à la société
sans me payer sa tête
sans ricaner à satiété
au pied de l’échafaud
où j’échafaude et je refais et je défais
mes joies mes crimes
et mes défauts et mes forfaits
au pied de l’échafaud
où va me faucher la faux
verticalement
comme l’épi rebelle
qui n’a pas de blé
d’un monde bien coiffé
sûr de son fait
de son bon droit
de marcher droit
droit comme le trajet d’un couperet
de haut en bas
selon la loi
de la pesanteur
la loi des pommes
la loi des hommes
la loi tout court
pour faire de l’humour
pour couper court
mes oreilles sur l’échafaud
n’emporteront jamais
que les cris de la foule hystérique
qui se défoule
qui se saoule
impatiente que ma tête roule
et les jacasseries
des badaudes et des badauds
qui baguenaudent
avec leurs mômes juchés sur le dos
dont les frimousses émergent de la houle
et mes oreilles résonneront sur le gibet
des litanies de l’abbé qui fait sa BA
gras et replet et content de soi
qui psalmodie la mélodie
des mauvais gars et des forçats
comme un baiser de Judas
pourtant son Christ
vu d’en bas sur sa croix
valait pas mieux que moi à l’entrée
de l’abbaye de monte-à-regret
où bien avisé ne pénètre pas mon abbé
au pied de la guillotine
pour ultime parfum
mes narines
n’aspirent que l’odeur musquée du crottin
des chevaux de la maréchaussée
qui se dresse comme une haie d’horreur
et les effluves rances de la sueur du bourreau
et l’haleine chargée du vin mauvais
qu’il cuve à mes côtés
l’œil torve
et la moustache pleine de morve
l’exécuteur des hautes œuvres est à la manœuvre
ses cordes me sanglent
serrent et m’étranglent
sa main ferme se referme sur mon épaule
il me pousse vers la planche
qui fait un drôle d’angle avec le couperet
il est pressé
quand ce sera fait
il l’aura bien mérité
il reprendra le litron
qu’il a dû abandonner
il a l’air irrité
ça l’a sans doute contrarié
mais bientôt le tranche-tête
qui n’aura pas démérité
pourra rejoindre sa piquette
les gendarmes regagneront leur caserne
au commandement de quelque vieille baderne
l’abbé béat se rentrera au presbytère
après ma décollation
les hommes de loi se retrouveront entre pairs
dans la quiétude du devoir accompli
satisfaits que ça n’ait pas fait un pli
et monsieur le juge prendra une légère collation
accompagnée d’un vin de la Meuse
c’est que ça creuse
d’avoir rempli
sa tâche sa mission et le panier à sciure
et sans se tacher
le huit-reflets le pardessus le pantalon
par-dessus le marché
et mon tronc comme un con
encombrera la planche
embarrassera le plancher
ébranché étêté
et sacrée vieille branche
ma pauvre tête
échouée au fond du panier bien seulette
dans une posture contraire à la nature
les yeux immensément ouverts vers le bleu du ciel
avec un peu de sciure
à la commissure des lèvres
pleine encore de ces idées ravalées avortées
que je n’aurai pas crachées
à la face de l’inhumanité
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BRUNOÏ ZARN France
Brunoï Zarn plays guitar and more in BOUCAN, DOUBLE HAPAX, KESTEKOP and many more..
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